INDUSTRIE DU BOIS AU GABON, l’industrie n’a aucun respect pour la nature et les traditions. le cas du kevazingo
Au Gabon, le kevazingo est un bois précieux. Il est pourtant très prisé en Asie, et fait l’objet de toutes les convoitises. En conséquence, de nombreux pillards en ont fait leur commerce, très lucratif. C’est pourtant un arbre sacré, que l’on surnomme le roi de la forêt. Pour les populations locales, son exportation représente un danger à court terme, et un véritable drame culturel.
Le Gabon est un petit pays côtier de l’Afrique de l’Ouest, composé de multiples forêts. Au total, 88 % de la superficie du pays est recouverte d’arbres, soit 56 millions d’hectares. La plupart du temps, leur utilisation est traditionnellement spirituelle, notamment dans les quelque 40 villages ruraux qui sont peuplés par des groupes ethniques autochtones.LIRE AUSSI 2020 est en passe de devenir l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre
Dans la faune, le kevazingo est certainement l’espèce la plus vénérée. Originaire de l’Afrique équatoriale, ce bois, également connu sous le nom de babinga, est souvent utilisé par les populations locales pour ses écorces, dont certaines ont des vertus thérapeutiques vérifiées. Puis, de longues séances de cérémonies rituelles prennent place pour le remercier de son aide.
En apparence, ce bois prend une couleur rouge, noire ou marron. Contrairement à d’autres bois de la région, comme l’okoumé, celui-ci est bien plus rare, et n’existe que dans des quantités plus limitées. Cela est notamment dû à sa maturité, qui arrive très tardivement. D’ailleurs, certains arbres ont plus de 500 ans, et font jusqu’à 60 m de haut. Malheureusement, depuis quelques années, ce bois est utilisé pour fabriquer des meubles haut de gamme. Depuis, sa population chute d’année en année.
Théoriquement, en 2010, les autorités gabonaises avaient interdit l’exportation de grumes brutes. Cette mesure stipulait d’ailleurs que pour chaque arbre abattu, il fallait faire au moins une transformation locale, avant exportation. Puis, en 2018, la coupe de cet arbre a été interdite. Malheureusement, l’autorisation de revente et de transformation de grumes inquiète les organismes dédiés à la préservation de ces forêts.
Plus globalement, les coupes illégales sont de plus en plus fréquentes. Pour les groupes autochtones du Gabon, qui considèrent ces arbres comme faisant partie intégrante de leur culture communautaire – comme peuvent l’être des temples et des rivières dans d’autres parties du monde – c’est un véritable désastre. Auparavant, les chefs de tribus dans les villages étaient couronnés sous ces arbres-là.
Pour Luc Mathot, fondateur de Conservation Justice, une ONG qui lutte au Gabon, il est rare de trouver une entreprise forestière dans ce pays complètement propre. Pour lui, cela découle notamment des règles particulières du Gabon (par exemple, le commerce de kevazingo est interdit de manière temporaire, la dernière fois remonte à 2018).
Les principaux acheteurs sont asiatiques, notamment japonais et surtout chinois. Une fois traité, le bois de kevazingo ressemble au célèbre bois de luxe du genre palissandre, comme le Dalbergia. Dans le mobilier chinois, cela donne souvent lieu à des meubles appelés hongmu. Le bois, orange et rouge, est très prisé pour les chaises mais également pour les armoires et les lits.
D’ailleurs, cette demande a créé une véritable industrie forestière partout dans le monde. Nous pouvons citer l’exemple du Myanmar, de l’Indonésie ou encore de Madagascar, qui voient leur production et l’exportation régulièrement bondir en flèche. 35 % des saisies de produits sauvages illégaux concernaient le bois de rose.
S’il n’est pas contrôlé avec davantage de précision, ce commerce illégal de kevazingo pourrait avoir des conséquences plurielles. Des milliers d’arbres sont abattus, puis confisqués par le gouvernement, puis volés, puis re-confisqués, comme le rapportent nos confrères d’Atlas Obscura. Puis, comme souvent, ce jeu de ping-pong avec des enjeux astronomiques (des centaines de millions d’euros en découlent) occasionnera les plus gros dommages sur les populations locales. Le prix d’un mètre cube de ce bois varie entre 610 € et 1800 €, selon sa qualité. 18 000 m³ sont exportés chaque année.