TCHAD : la mort de DEBY ITNO fait place a un début d’incertitudes.
Quelques heures après que l’armée tchadienne a affirmé avoir « neutralisé » 300 combattants du Front pour l’alternance et la concorde du Tchad [FACT] dans la région du Karem, dans le nord du pays, N’Djamena a annoncé la mort du président Idriss Déby Itno, des suites de blessures reçues alors qu’il commandait ses troupes dans les combats menés contre les rebelles durant ces derniers jours.
« Le président de la république, chef de l’État, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad », a en effet annoncé le général Azem Bermandoa Agouna, le porte-parole de l’armée, dans un communniqué diffusé par TV Tchad. « Un conseil militaire a été en mis en place dirigé par son fils, le général Mahamat Idriss Déby Itno », a-t-il ajouté.
Au pouvoir après avoir renversé, avec l’appui de la France, Hissène Habré à la faveur d’un coup d’État mené en décembre 1990, le président Déby Itno venait d’être réélu pour un sixième mandat après avoir obtenu 79,32% des suffrages exprimés lors de la dernière élection présidentielle, organisée le 11 avril.
Cela étant, contesté par plusieurs mouvements rebelles, le président Déby Itno avait toujours pu compter sur la France pour se maintenir à la tête de son pays, comme en 2008, quand une coalition de groupes armés [dont l’Union des forces pour la démocratie et le développement, de l’UFDD-Fondamentale et le Rassemblement des forces pour le changement] furent à deux doigts de s’emparer de N’Djamena. Ou encore comme en 2019, quand des Mirage 2000 français arrêtèrent des combattants de l’Union des forces de résistance [UFR] entre le Tibesti et l’Ennedi.
Par ailleurs, très critique sur les conséquences de l’intervention franco-britannique en Libye [2011], le président Déby Itno s’était engagé dans la lutte contre les organisations jihadistes. En 2013, il avait envoyé ses troupes combattre au Mali, aux côtés des forces françaises, lors de l’opération Serval. Leur apport fut crucial lors de la bataille de l’Adrar des Ifoghas. En février, lors du sommet de N’Djamena, ayant réuni la France et les pays membres du G5 Sahel [Tchad, Niger, Mali, Mauritanie et Burkina Faso], il avait confirmé l’envoi d’un bataillon supplémentaire dans la zone des trois frontières, au Niger.
Outre la lutte contre les organisations jihadistes au Sahel, l’armée tchadienne est également impliqué dans les opérations menées contre le groupe nigérian Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest [ISWAP] dans la région du lac Tchad. Sa participation à la Force multinationale mixte [FMM], décidée par le président Déby Itno, avait permis de faire reculer ces mouvements terroristes, alors en pleine expansion, dans les années 2015-16.
Mais, depuis, Boko Haram et l’ISWAP ont repris de la vigueur. Au point d’avoir attaqué un poste militaire tchadien à Bohoma, en 2020. Ce qui avait donné lieu une riposte, personnellement dirigée par le président Déby Itno.
Dans la lutte contre les organisations terroristes, le Tchad, entouré d’États faillis [Libye, Centrarique], tient une place primordiale dans le dispositif militaire mis en place par la France au Sahel, le poste de commandement de la force Barkhane étant installé sur la base « Sergent chef Adji Kosseï », à N’Djamena.
La mort d’Idriss Déby Itno ouvre une période pleine d’incertitudes… Et les groupes rebelles tchadiens ne manqueront certainement pas de chercher à en profiter. En attendant, le chef du FACT, Mahamat Mahadi Ali, a confié à RFI que ses troupes avaient effectué un « repli stratégique » après les durs combats de ces derniers jours.
Et d’accuser la France d’aider N’Djamena. « L’aviation française nous survolait jour et nuit. […] Ils ont toutes les informations, les déplacements, la nature des armes, le nombre des hommes, le nombre de véhicules. Si ce n’est pas un avantage, qu’est-ce qu’un avantage alors ? C’est une intervention directe », a-t-il dit, estimant que Paris devrait plutôt « appeler les Tchadiens à s’asseoir autour d’une table ronde inclusive. »