La transition politique au Gabon : entre lutte des blocs et enjeux de pouvoir
Depuis la chute du régime d’Ali Bongo Ondimba en 2023, le Gabon traverse une période de transition politique marquée par la coexistence de trois blocs aux intérêts et objectifs distincts. Comprendre les dynamiques en jeu au sein de ces différents groupes est essentiel pour saisir les enjeux de cette phase cruciale pour l’avenir du pays.
Le premier bloc : le CTRI, fer de lance de la transition
Le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) constitue le fer de lance de la transition politique en cours au Gabon. Composé principalement de forces armées et de sécurités, ce groupe a joué un rôle déterminant dans la chute du régime Bongo-PDG, en place depuis 56 ans. Ce régime est en effet perçu par de nombreux Gabonais comme ayant longtemps gouverné le pays d’une main de fer, causant de nombreuses souffrances et appauvrissant une grande partie de la population.
Le CTRI, fort de son poids militaire important, a ainsi pris la responsabilité de mettre fin à ce système jugé oppressif et sclérosé. En renversant le régime Bongo-PDG, le CTRI a installé à la tête du pays le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, un officier chevronné qui bénéficie de la confiance de cette puissante coalition. Depuis un an, ce dernier assure la Présidence de la Transition, s’appuyant sur le soutien indéfectible de ce premier bloc militaro-sécuritaire.
Grâce à son influence et à sa capacité d’action, le CTRI s’est imposé comme un acteur incontournable de la transition en cours. Son rôle est d’autant plus crucial que le régime précédent était considéré par de nombreux Gabonais comme profondément enraciné et difficile à déloger. Le CTRI a donc permis de rompre avec ce système politique jugé obsolète et de mettre en place un processus de transition censé mener le pays vers de nouvelles perspectives.
Le deuxième bloc : les anciens opposants au régime Bongo-PDG
Le deuxième bloc soutenant la transition en cours au Gabon rassemble les anciens opposants farouches au régime Bongo-PDG, qui ont combattu ce système pendant de longues années. Il s’agit notamment de personnes qui ont été emprisonnées, enlevées, torturées ou encore contraintes à l’exil en raison de leur opposition farouche au pouvoir en place. Certains d’entre eux ont même vu leurs proches disparaître dans des circonstances troubles lors des précédentes élections présidentielles, marquées par de nombreuses accusations de fraudes et de coups d’État électoraux.
Ce groupe, qui a longtemps subi les dérives autoritaires et répressives du régime PDG, ne digère pas l’idée de voir des membres de ce parti historique gravitant encore autour du Président de la Transition, le Général Oligui Nguema. Ils réclament avec véhémence et intransigeance l’éloignement de toute personnalité liée de près ou de loin à l’ancien pouvoir, considérant qu’il est impossible d’envisager une véritable rupture avec le passé tant que ces individus seront encore présents au sein des nouvelles institutions.
Pour ces anciens opposants, la transition en cours ne pourra être crédible et légitime que si elle s’accompagne d’une purge totale des anciens caciques du régime Bongo-PDG. Ils estiment que la seule façon de rompre définitivement avec un demi-siècle de gouvernance autocratique et népotique est de s’assurer que plus aucun de leurs anciens bourreaux ne puisse désormais influencer le cours des événements. Leur objectif est de permettre l’émergence d’un nouveau système politique réellement débarrassé des inerties du passé.
Bien que leur intransigeance puisse parfois être perçue comme excessive, ces anciens opposants incarnent une volonté profonde de changement radical dans un pays longtemps marqué par la confiscation du pouvoir et la répression des voix discordantes. Leur rôle dans la transition en cours est donc essentiel, même s’il peut parfois créer des tensions avec d’autres acteurs politiques.
Le troisième bloc : le Parti Démocratique Gabonais (PDG), l’ancien parti au pouvoir
Le troisième bloc soutenant la transition politique au Gabon est composé des membres du Parti Démocratique Gabonais (PDG), la formation politique qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 56 ans. Ce parti historique est largement considéré par une grande partie de l’opinion publique comme étant directement responsable des nombreuses souffrances, de la corruption endémique, des enlèvements, des tortures, de l’emprisonnement de prisonniers d’opinion et des accusations récurrentes de coups d’État électoraux qui ont marqué cette longue période de monopole du pouvoir.
Malgré cette lourde héritage, le PDG a décidé de maintenir son soutien au Président de la Transition, le Général Oligui Nguema. Cette décision n’est cependant pas du goût du deuxième bloc, constitué des anciens opposants farouches au régime Bongo-PDG. Ces derniers voient dans cette manœuvre une stratégie calculée visant à préserver coûte que coûte les privilèges et l’influence du parti historique, refusant catégoriquement de le voir encore s’immiscer dans le processus de transition en cours.
Pour les opposants les plus intransigeants, la présence du PDG, même en retrait, au sein du nouvel équilibre politique est tout simplement inacceptable. Ils estiment qu’une véritable rupture avec le passé ne peut se faire qu’en écartant définitivement cette formation politique honnie, considérée comme une incarnation du système oppressif et corrompu qui a meurtri le Gabon pendant plus d’un demi-siècle.
Cependant, le PDG, malgré son discrédit auprès d’une large frange de la population, conserve encore un poids politique et une assise électorale non négligeable. Son soutien au Président de la Transition, même s’il est perçu avec méfiance, témoigne de la volonté du parti de ne pas disparaître complètement de l’échiquier politique gabonais. Cette situation crée des tensions et des tiraillements au sein même du processus de transition, fragilisant parfois sa légitimité aux yeux de certains acteurs.
Conclusion : des tensions qui menacent la stabilité de la transition
En définitive, les tensions palpables entre ces trois blocs distincts constituent un défi majeur et complexe pour le Président de la Transition, le Général Oligui Nguema, qui doit naviguer avec doigté entre ces différents intérêts parfois antagonistes afin d’assurer la réussite de cette période charnière pour l’avenir du Gabon.
Le deuxième bloc, composé des anciens opposants farouches au régime Bongo-PDG, se montre particulièrement déterminé à écarter toute influence résiduelle du Parti Démocratique Gabonais (PDG), considéré comme l’incarnation même du système oppressif et corrompu ayant meurtri le pays pendant plus d’un demi-siècle. Ils menacent ouvertement de remettre en cause leur participation à la transition si leurs exigences de purge totale des anciens caciques du PDG ne sont pas satisfaites.
À l’opposé, le troisième bloc, formé des membres du parti historique, a choisi de maintenir son soutien au Président de la Transition, une décision perçue avec la plus grande méfiance par les opposants les plus intransigeants. Ces derniers y voient une manœuvre visant à préserver coûte que coûte les privilèges et l’influence de l’ancien parti unique, refusant catégoriquement de le voir s’immiscer de nouveau dans les affaires du pays.
Face à ces enjeux de pouvoir et de positionnement politique complexes, le Président Oligui Nguema devra faire preuve d’une grande habileté et d’un sens aigu de la compromission pour parvenir à un équilibre fragile, tout en restant fidèle aux aspirations légitimes du peuple gabonais qui attend des changements réels et durables après des décennies de régime Bongo-PDG.
La réussite de cette transition politique cruciale pour l’avenir du Gabon dépendra en grande partie de la capacité du Président à apaiser ces tensions, à rassembler l’ensemble des acteurs autour d’un projet commun tout en satisfaisant les exigences des plus fervents opposants au régime précédent. Un défi de taille qui conditionnera la stabilité et la crédibilité du processus en cours.